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  • Christophe Adrien, Partner, Property and Casualty insurance

ACTUALITE JURIDIQUE / ASSURANCES / CONVENTION CORAL

Règlement de comptes à OK CORAL (Ou le recours subrogatoire confronté à la convention CORAL)

Mis à jour le 10 avril 2024 La pratique du contentieux lié au recours subrogatoire de l’assureur nous conduit à vous informer des décisions de justice, maintenant nombreuses, qui impactent significativement les assureurs adhérents aux conventions de France Assureurs (FA). En effet, l’assureur subrogé doit justifier, préalablement à toute action judiciaire contre l’assureur du tiers responsable, qu’il a mis en œuvre la procédure d’escalade prévue à l’article 4 de la Convention des Règlements Alternatifs des Litiges (Convention « CORAL »). Le non-respect de la procédure d’escalade entraîne l’irrecevabilité de la demande en justice, en application de l’article 122 du Code de Procédure Civile (et non la nullité de l'assignation). Cette solution est désormais bien établie (Cour de cassation, 3e Chambre Civile, 25 janvier 2024, n°22-22.681).


Il en résulte que cette fin de non-recevoir peut être soulevée "en tout état de cause", c'est-à-dire même pour la première fois en cause d'appel (Cour d'Appel d'Aix-en-Provence, 6 juillet 2023, n°22/14892 ; Cour d'Appel de Paris, 2 février 2024, n°23/02555).


Cette obligation s’applique "aux dossiers dans lesquels une procédure d’escalade (échelon «chef de service») est initiée à compter du 1er janvier 2016", indépendamment de la date du sinistre (Cour d'Appel de Chambéry, 2e chambre, 27 avril 2023, n°21/01055). Autant dire que tous les recours entre assureurs sont aujourd'hui concernés par ces dispositions.


En revanche, les dispositions de cette convention sont inopposables aux victimes, assurés ou tiers. Il a donc été jugé que la fin de non-recevoir ne peut ni leur être opposée, ni être invoquée par ces derniers, en vertu de l'effet relatif des conventions (Cour d'Appel de Bordeaux, 13 novembre 2023, n°23/01644 et 25 janvier 2024, n°23/03092 ; Cour d'Appel de Versailles, 25 janvier 2024, n°22/04691).


Toutefois, un récent arrêt de la Cour d'Appel de Rennes a remis en cause ce principe en jugeant, au visa de l'article 6 de la Convention, qui prévoit que "l’assuré bénéficie des règles conventionnelles dès lors qu’elles sont plus favorables que celles du droit commun", que l'assuré était en droit d'opposer à l'assureur exerçant un recours contre lui l'absence de respect de la Convention (CA Rennes, 3 avril 2024, n°23/04173). Cette décision nous parait très critiquable, puisque ledit article 6 ne concerne que les règles relatives à la prescription et à la forclusion. Dès lors, cet arrêt fera-t-il l'objet d'un pourvoi en cassation ?


De fait, les dispositions de cette Convention se veulent si larges que les plaideurs et les tribunaux semblent parfois s'égarer. Ainsi, le Tribunal Judiciaire de Paris vient lui-même de juger que le recours d'un assureur visant à être relevé et garanti d'une éventuelle condamnation à son encontre, formé contre un autre assureur, était irrecevable en raison de l'absence de mise en oeuvre préalable de la Convention CORAL (TJ Paris, JME, 4 Avril 2024, n°23/02989) :


"Contrairement à ce que fait soutenir [l'assureur], la convention Coral n’a pas uniquement pour objet d’aménager le recours entre assureurs lorsqu’un assureur est subrogé dans les droits de son assuré, la convention étant applicable à tous les litiges entrant dans son champ d’application, quelle que soit la nature du recours exercé entre assureurs"

Pourtant, il avait jusqu'à présent été décidé que la convention CORAL n’était pas applicable lorsque l’assureur de la victime d’un dommage n’avait pas pris l’initiative d’une procédure indépendante à l’encontre de l’assureur du responsable, mais n’avait fait que solliciter la garantie de celui-ci à la suite de l’action introduite à son encontre.

 

La Cour d’Appel de ROUEN avait ainsi jugé que, dans le cadre de l’appel en garantie, l’action de l’assureur était indissociablement liée à celle de la victime assurée, non partie à la convention, et avait écarté pour ce motif l’application de la convention CORAL (CA ROUEN, 23 janvier 2013 n° 12/02031; dans le même sens : CA PARIS, 11 Mai 2023, n°21/04603 ).


Cette solution était d'autant plus justifiée que la Convention (V3 éd 2022) prévoit expressément qu'elle ne s'applique qu'aux "recours subrogatoires" (articles 2, 4.2, 5), ce qui est logique, puisqu'un assureur non subrogé n'est pas en mesure de former une demande d'indemnisation auprès de l'assureur du tiers responsable. Il est donc vraisemblable que l'ordonnance susvisée du TJ de Paris rendue le 4 avril 2024 fera l'objet d'un appel et qu'elle sera infirmée. En attendant, les délais d'instruction du dossier et de la procédure sont allongés, ce qui, hélas, contrarie l'objectif annoncé par la Convention dans son article 1 "OBJET ET PRINCIPES FONDAMENTAUX" :


"La présente Convention a pour but de favoriser le règlement amiable des litiges entre assureurs en évitant les procédures judiciaires".


Par ailleurs, la convention prévoit la possibilité d'interrompre le délai de prescription à l'échelon "Direction" ; la validité de cette cause conventionnelle d'interruption a été reconnue judiciairement (Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 9 décembre 2021,

n° 20/02794; Cour d'appel de Besançon, 1re chambre, 16 mai 2023, n°21/02074 et 18 octobre 2023, n°23/00180). Il a même été jugé que la prescription avait pu être suspendue à compter de la mise en oeuvre du protocole prévu par la convention, avant d'être expressément interrompue par un courrier à échelon Direction (Cour d'Appel de Riom, 5 décembre 2023, n°23/00473).


Précisons enfin à ce sujet que dans sa dernière édition à effet du mois de mai 2022, la Convention prévoit qu'il serait également possible d'interrompre ou de suspendre le délai de "forclusion". Nous émettons de sérieuses réserves sur ce point, puisque l'article 2254 du code civil ne prévoit la faculté d'aménagement contractuel qu'en matière de "prescription". Nous surveillons activement toute décision de justice qui pourrait être rendue à ce propos.


Nous constatons donc, en pratique, que cette Convention, plutôt que "de favoriser le règlement amiable des litiges en évitant les procédures judiciaires", contribue en réalité à multiplier les litiges sur son application et son étendue, en particulier dans des situations "absurdes", comme celle qui vient d'être jugée par le Tribunal Judiciaire de Paris (susvisé).


L'objectif n'est clairement pas atteint, ce qui est très regrettable.

Pour plus de détails sur les subtilités de cette Convention, n'hésitez pas à nous contacter. Nous sommes à votre disposition pour toute question relative à cet article. Christophe Adrien & Florent Schapira Avocats Associés


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